
Monos est animé par le rap, qui est orné d’afropop. On y retrouve plusieurs thèmes puisés dans le vécu du jeune artiste : la rue, les tensions, les tentations, les dérives, les échecs, l’amour, la famille, les bonnes et les mauvaises fréquentations. Rien n’est inventé, tout est incarné.
L’album se démarque grâce à ses textes imagés et ses arrangements mélodieux, qui sont parfois mélancoliques et un tantinet dramatiques. Dans le rap de Jeekay on sent certainement une part d’Hochelaga, ce quartier qui a forgé le gars au fil des aléas.
C’est un rap franc, un rap touchant, un rap tranchant. C’est un rap enraciné dans le français qui parle du territoire montréalais. C’est un flow personnel pour un rap universel. Autre fondement du rap de Jeekay : la famille. Quelques textes renferment des passages dédiés à sa mère, qui est l’une des plus importantes sources de motivation. « Je leur dirai bye quand j’aurai comblé le plus grand désir de ma mère », chante-t-il sur le morceau Bye Bye.
C’est grâce à sa mère si Jeekay persiste et signe. Elle lui a fait comprendre que rien n’est impossible pour celui qui avance avec conviction. En observant sa mère affronter les tempêtes, il a saisi qu’une personne est forte quand elle a le courage de se relever avec dignité. C’est ce qu’elle a fait quand la petite sœur de Jeekay, appelée Monica, a perdu la vie à la naissance.
En hommage à celle-ci justement, Jeekay a titré son album Monos, mot grec signifiant Monique, Monica, unique ou seule.
Les bros
Monos est constitué de huit morceaux, qu’on écoute comme on lit un
bon roman. Jeekay a composé et écrit l’entièreté de la matière. Il a néanmoins fait appel à Rosalvo pour le banger purement montréalais intitulé Chargé, une production de BirdzOnTheTrack.
Pour aborder le thème des relations de longue date, sujet principal de la chanson À ma table, Jeekay a par ailleurs choisi de travailler avec un ami d’enfance, le rappeur King J. C’est un titre qui traite de leur amitié, qui a traversé les époques : « On mange ensemble depuis longtemps, c’est comme ça par ici », peut-on entendre sur la pièce. Jeekay a aussi collaboré avec l’ami et ingénieur Switchin Knobs, qui a produit l’album. L’équipe 3hDuMat et l’agent Dallas sont également d’une aide inestimable dans l’aventure de Jeekay.
J’ai zoné
Avant-dernier d’une famille de dix enfants, Jeekay a quitté son Congo natal pour la France lorsqu’il était jeune enfant. Après avoir vécu trois ans en Europe, il est débarqué avec les autres membres de sa famille à Montréal. Il a passé une bonne part de sa jeunesse dans l’arrondissement Hochelaga-Maisonneuve, avant de déménager à Repentigny. C’est à cette époque que les péripéties se sont enchaînées, les bonnes comme les mauvaises. Turbulent, Jeekay a eu un parcours assez difficile dans la vie comme à l’école. Quoi qu’il en soit, ces expériences ont façonné la plupart de ses meilleurs souvenirs, qu’il partage çà et là sur l’album Monos. La chanson Bhay est un parfait exemple.
Jeekay a toujours baigné dans la musique. D’ailleurs, cinq de ses frères aînés – dont 6illy et GhettoClass – ont déjà produit et écrit des
chansons. Jeekay a déjà collaboré avec eux. C’est à 15 ans qu’il s’est vraiment consacré au rap. La musique, qui était au début un passe-temps, est devenue un exutoire, une passion, un mode de vie.
De nature, Jeekay n’est pas quelqu’un qui exprime aisément ses idées et ses sentiments. Le rap est donc devenu pour lui le meilleur moyen d’évacuer, de dire d’où il vient et de communiquer ce qu’il ressent. Enchaînant single après single depuis le début de sa carrière, c’est son titre Béton, paru en 2019, qui lui a confirmé sa place dans le rap. Tant mieux, puisqu’il a choisi le rap plutôt que la rue, comme il le raconte si bien dans son morceau Bigo : « J’ai zoné, maintenant je suis derrière le micro ».